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Textes pour Monsieur D

16 mars 2011

Le chant du rossignol

Au détour d’une rue, dans un quartier avec plusieurs jardins arborés, elle entend soudain le chant d’un rossignol. Comme un signal, une cloche, un tintement, l’annonce du printemps…. Et la rue prend une autre couleur. L’oiseau est caché, mais le son est là, gai, souriant, impertinent, rafraichissant.

 

Un son, et l’humeur change.

La rue prend une autre couleur, s’ensoleille, le printemps revient.

Un son, et le cœur s’allège.

 

Le chant est précis, rythmé et harmonieux.

Un son pur. 

Nature

 

Ce chant remet la ville à sa place. Elle n’entend plus les voitures, les klaxons, elle ne voit plus le gris des murs et les ordures le long des trottoirs, elle sent le printemps qui flotte dans l’air, partout, s’immisce dans les pièces sombres, envahit les rues étroites et s’accroche aux sourires des passants.

 

Le chant se poursuit, mystérieusement caché mais si présent. Si fragile et si fort à la fois.

Quelques notes dans le fracas.

 

Son cœur s’ouvre.

Et puis, elle a peur qu’il se serre.

 

Elle a souvent ressenti ça, quand la nature fait irruption dans la vie, soudainement. L’impression d’un soulagement puis d’une menace. La menace de la destruction. Comme si apprécier quelque chose nous faisait encore plus redouter sa perte. Comme si ressentir ces émotions brutes et pures de joies simples, de printemps retrouvé, c’était aussi penser à l’hiver, qui reviendrait, bientôt, un jour, inexorablement,  sans qu’on puisse lutter.

 

L’hiver, c’était l’hiver du cycle du temps, triste, nostalgique, prévisible. Mais c’était aussi l’hiver des hommes, l’hiver de la pollution, l’hiver de la destruction programmée, l’hiver des extinctions,  l’hiver de la folie… Un autre hiver. Une force noire effrayante. Toujours plus présente.

 

La menace.

La menace sur le chant du rossignol.

 

A force de sentir son cœur se serrer à chaque chant de rossignol, à chaque arbre coupé, elle avait décidé de réagir. Stop au sentimentalisme ! Un peu de raison ! Il ne faut pas mythifier la nature. Elle aussi durant des siècles a été notre ennemie, il a fallu la domestiquer, la mettre au pas. Combien de chants de rossignol pour combien d’hivers glacés, de loups carnassiers, de sols desséchés, d’hommes affamés ?  La nature n’est pas qu’une carte postale romantique, un soleil couchant, un ruisseau qui serpente dans une vallée verdoyante, que nous regardons bien au chaud dans nos maisons modernes et confortables… Ils me font sourire ces romantiques, qui pleurent à la place des arbres et vivent dans la nostalgie d’un paradis perdu. La nature est. Point. Elle ne pense pas, ne souffre pas. Et qu’est-ce que la pureté de la nature originelle, si ce n’est une forme d’idéalisme sectaire et dangereux, niant l’homme ? Un retour au passé niant le progrès, une religion naturaliste niant la l’objectivité de la science, des émotions infantiles niant la raison. Cette nature qui émeut est une nature idéalisée, imaginaire.

 

Une nature imaginaire.

Qui émeut.

Qui attendrit.

 

S’attendrir, c’est avoir le cœur serré. S’attendrir, c’est s’affaiblir. Elle avait décidé de réagir. Ne plus s’attendrir. Pour ne plus subir la menace. Ne plus avoir peur. Et rationaliser. Nature, imaginaire, idéal, danger, raison. Toujours la raison. Pour être plus lucide, plus forte.

 

Elle put  alors continuer, avancer, marcher dans les rues, dans la grande ville. En contemplant  les buildings et la force impressionnante qui s’en dégage, en navigant  dans la foule du métro, dans cette multitude qui bruisse, frémit et vit, vit si fort, si intensément. Elle put se sentir appartenir à cette communauté citadine et performante, en mouvement, en renouvellement, en création…

 

Elle put sentir cette puissance-là et y appartenir. Se sentir exister, ici et là, sans menace et sans regrets…

 

Au détour d’une rue, pourtant, le chant d’un rossignol.

 

Il y a quelques mois, elle ne l’aurait presque pas entendu, bien entrainé à le dédaigner, à le considérer froidement comme un simple son. Mais aujourd’hui, elle l’entend. Elle s’arrête pour l’écouter. Et la rue prend une autre couleur…

 

Son cœur s’ouvre.

Le printemps.

 

Attention à la menace !

 

Son cœur s’ouvre. Attention à la menace ! Ne laisse pas ton cœur s’ouvrir, pas de romantisme, pas de sentimentalisme ! C’est un chant de rossignol. Point. Un son mélodieux, mais un son parmi tant d’autres. Point.

 

Mais son cœur s’ouvre. Et s’allège. Simplement.

Ce cœur va se serrer, après, c’est sûr, mais pour l’instant, c’est le présent, c’est le printemps.

 

Le paradis perdu et la carte postale sont imaginaires. Mais le chant du rossignol, dans cette rue, dans cette ville, est réel.  Et elle a besoin du chant du rossignol, elle a besoin du printemps, même s’ils peuvent disparaitre, un jour. Même si elle peut souvent se passer d’eux.

 

L’oiseau est caché, mais le son est là, gai, souriant, impertinent, rafraichissant.

Son cœur s’allège.

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16 mars 2011

Mon frère au singe vert

Perspectives.

Il a le sens des perspectives.

 

Une main sûre, directe, précise, trace sur le papier la profondeur. Le coin d’une table, l’angle du mur derrière, la scène vue d’en haut, les objets disséminés, l’arrière plan.

 

Il sait créer l’espace.

Le vertige.

La profondeur.

 

Perspectives.

Perspectives d’avenir ?

 

Vertiges.

 

Il se promène dans son espace, l’espace de sa feuille blanche dessinée, l’espace qu’a tracé sa main sûre, directe et précise. Il s’envole entre les immeubles verticaux, tombe dans les gouffres béants, zigzague dans les dédales d’objets inertes, flotte en apesanteur…

 

Changer d’angle de vue. Voir le monde sous un angle différent.

 

C’est un oeil qui cherche. Qui scrute. Profond.

 

Il se promène dans son espace. Il déambule en Chateaubriand, romantique et sombre, jetant toute sa passion dans les landes du XIXème. Il se contorsionne en Miles Davis, fêtard et alcoolique, jetant toute sa passion dans les tripots des années 30. Il s’embrume en John Day, jouisseur et nihilise, jetant toute sa passion sur les routes américaines de années soixante-dix.

 

Il vit ses rôles. Comme un excutoire. Comme une façon d’habiter son espace.

 

Son espace si profond.

 

Ses rôles ?

Question de point de vue…

 

Il se promène dans son espace. Une petite chambre enfumée, d’étudiant. Des équisses, des tableaux, des ratés. Un sax qui attend. Des frustations qui flottent dans l’air. Un ordi, des chaussettes sales, des capottes dans l’étagère, des CD éparpillés, une veste du grand-père, des fringues lookées, un viel agenda corné, le programme ciné, un ticket resto de maman…

 

Tu parles d’un rôle !

Imposteur.

 

Sa main hésite, gribouille, rature. Le trait se cherche. Se scrute. Profond.

 

Une seule certitude : dans sa vie ou sur le papier, ce putain de vertige, il sait le créer.

 

Vertige des profondeurs, s’allume un joint, pourquoi pas aussi avec un petit verre de wisky, allez ce soir j’aggrandis l’espace, je laisse sortir la matière, et encore un petit verre, comme les verres en cristal, le grand cru rosé et le costard, sortir la matière comme sortir le grand jeu, je lui en ai mis plein les yeux, hein, elle l’a aimé le personnage, MON personnage, le petit verre de liqueur du père le soir, il l’aime le fils, hein, il l’aime, hein ?!? Au moins comme maman, c’est sûr, il faut qu’il l’aime au moins comme maman…

 

Il aggrandit l’espace, laisse sortir la matière, son petit singe vert.

Grimaçant.

 

Chut !

 

Chute.

 

Son petit singe vert – grimaçant – connaît papa, connaît maman. Son petit sing vert – grimaçant – doit forcément connaître l’imposture.

 

 

Sa main hésitante, douloureuse, triste, tape sur le clavier. Des mots tranchants. Lucides. Trop lucides.

 

La chute : les doutes.

 

Les doutes n’aiment pas les perspectives

D’avenir.

 

La main sûre, directe et précise reprend le crayon, trace la ligne, remonte la pente, décroche le sommet, négocie les virages.

 

 

 

 

Chateaubriand, Miles Davis, John Day et le petit singe vert – grimaçant.

Plusieurs cartes à jouer. Pour créer son jeu complet.

Entre bluff et sincérité. Imposture et vérité. Pocker.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Textes pour Monsieur D
  • J'avais depuis longtemps envie d'écrire, mais je ne savais sur quoi, sur qui et vers où. Monsieur D, un ami, m'a proposé de me donner un mot par jour ou tous les deux jours... Voyons où cela va me mener....
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